Pour cette rentrée, lors d’une interview avec Alexandre Zèbre en vue de l’enregistrement d’un podcast pour Safety Vigilante*. Fabrice Reboullet, PDG de Graphito Prévention, a fait le point sur le thème de la stratégie prévention.

Les préventeurs m’interrogent régulièrement sur ce sujet qui a pour objectif de développer la culture sécurité et faire baisser les accidents de travail et les maladies professionnelles.

Il est, en effet, primordial de connaître la stratégie de l’entreprise concernant la prévention des risques. Évidemment, je ne peux pas détailler ici ma réponse en quelques lignes mais je partage avec vous, avec plaisir, quelques points récurrents.

Lorsqu’on les interroge sur ce sujet, tous les managers et ce, quel que soit leur niveau hiérarchique, répondent que leur objectif est le zéro accident, que l’on ne vient pas au travail pour se blesser, etc. L’ambition, l’envie d’atteindre cet objectif sont généralement présentes. Mais une stratégie de prévention n’est pas basée sur des envies.

Prenons une analogie avec le développement commercial. Toute entreprise souhaiterait développer sa renommée, accroître ses ventes et ses parts de marché. Cette envie et cette ambition sont nécessaires mais là encore, elles ne sont pas suffisantes pour réussir. Outre cette motivation, l’entreprise devra s’organiser, identifier les opportunités, choisir des cibles, mettre en place des actions, investir du temps et des moyens et, enfin, mesurer l’efficacité des actions engagées. On sera alors passé de l’intention à l’action.

En prévention, c’est la même chose ; il faut aussi passer de la prévention d’intention à la prévention d’action.  

RÉALISER DES ACTIONS DE PRÉVENTION CONCRÈTES

Chaque semaine, j’interviens auprès de comités de direction. Je leur demande toujours : que faites-vous concrètement pour que la prévention se développe ? Combien de temps cela vous prend-il ?

L’objectif est donc de rechercher l’engagement factuel d’une direction. Les préventeurs me disent parfois : « C’est vrai que notre directeur est sensible à la prévention. ». Mais cela n’est pas suffisant ; il faut aider ce directeur à transformer sa sensibilité c’est-à-dire son envie en action.

C’est lors de cette transposition concrète que l’on voit plus clairement ce qui va pouvoir être réalisé ou pas. C’est à ce moment-là que de nombreux managers prennent clairement conscience que sans leurs actions, la culture prévention ne se développera pas.

Ainsi, les managers ont des actions claires et précises à réaliser.  Ces actions sont concrètes, définies, organisées et réparties selon des rythmes adaptés aux activités. Chaque niveau hiérarchique est impliqué avec des actions correspondant à son niveau de compétence.

Bien entendu, il ne faut pas s’en contenter. Il ne suffit pas de dire aux managers : vous devrez réaliser ceci ou cela pour que cela fonctionne. Mais c’est tout de même un préalable et cela a plus de poids si cela émane de la direction générale. Par exemple, le comité de direction décide que tous les premiers lundis du mois, les managers animent un quart d’heure sécurité. Cela est intégré dans les temps de production. Cela fait partie des actions managériales. Les dirigeants pourront alors suivre les déploiements et, si possible, venir assister, de façon régulière, à des quarts d’heure pour montrer leur intérêt.

Pour réussir la mise en place de chaque action managériale telle que les accueils, les analyses d’accidents, les quarts d’heure sécurité, les visites de sécurité, les briefs, etc., il faut apporter aux managers quatre éléments majeurs :

  • la formation et le temps nécessaires ;
  • des outils adaptés et la méthode;
  • le suivi du déploiement (quantité) ;
  • le suivi de la qualité des actions par du coaching régulier.

Je me permets vraiment d’insister sur le fait que les actions attendues de chaque niveau hiérarchique doivent être bien claires.

PARTICIPER À DES COMITES DE DIRECTION

Pour définir une stratégie de prévention, l’intervention en comité de direction est essentielle.

Bien heureusement, les préventeurs interviennent fréquemment dans leur comité de direction. Ils y sont parfois présents de façon permanente.

Lorsque nous y intervenons, en leur nom, pour réfléchir et améliorer la prévention, nous avons une posture différente. La posture du consultant n’est pas comparable à celle du préventeur « permanent ».

Les mêmes sujets abordés peuvent être entendus et ressentis différemment ; les deux postures ont, chacune, des avantages, des forces et des inconvénients ainsi que leurs propres limites.

Comme je suis dans cette posture d’intervenant auprès des comités de direction presque chaque semaine, les dirigeants me confient souvent ce qui, selon eux, ne va pas chez leur préventeur sachant que le préventeur m’a, en général, confié au préalable ce qui, selon lui, ne va pas chez son dirigeant ! Mon but est alors que tout le monde se comprenne mieux et avance dans le même sens.

Je profite de ces lignes pour partager avec vous quelques pièges à éviter lorsque l’on intervient dans un comité de direction en vue de l’impliquer.

PROPOSER DES SOLUTIONS

En effet, je rappelle toujours aux préventeurs : proposez des solutions.

D’emblée, certains préventeurs se brident au lieu de se dire : et si c’était possible ? Autrement dit, ils se refusent, consciemment ou inconsciemment, à proposer une nouveauté à leur comité de direction. Dans ce cas, il est certain que la culture sécurité ne progressera pas dans leur entreprise.

Et pourtant, les préventeurs sont des apporteurs de solutions. Ils connaissent parfaitement la situation de l’entreprise. Il est vrai que les dirigeants ne valident pas toutes leurs propositions mais ils sont très impliqués dans la vie de leur entreprise.

Je me rends compte que les préventeurs « optimistes », c’est-à-dire ceux qui sont force de proposition, réussissent généralement mieux que les autres, à condition, bien entendu, que l’optimisme soit accompagné de compétence.

Ainsi, je pourrais conclure en vous encourageant à laisser aller vos idées, vos projets, vos propositions. Les idées les plus incroyables peuvent se réaliser si elles éveillent l’intérêt du comité de direction de l’entreprise.

LES ERREURS A NE PAS COMMETTRE LORS D’UN CODIR

En tant que préventeur, prenez garde à ne pas communiquer de façon trop « technique » en prévention.

Les codirs n’ont pas tous le même niveau de prévention. Le préventeur doit avoir en tête que dans la plupart des cas, les codirs n’attendent de lui qu’il leur détaille les problématiques mais qu’il leur apporte les éléments relatifs aux enjeux : combien de temps cela va-t-il prendre ? à qui ? combien cela va-t-il coûter ? quels seront les bénéfices ? dans combien de temps ? quel sera leur rôle attendu pour que cela fonctionne ? Le préventeur doit prendre un peu de recul et décrire la problématique de manière à toucher le comité de direction.

Dans le podcast avec Safety Vigilante, Alexandre Zèbre m’a également posé une question qui revient de manière récurrente : « comment faire s’il y a un sujet sensible, un sujet qui cristallise les énervements, les crispations ? comment l’aborder correctement ? »

Vous savez bien que lorsque l’on a un caillou dans la chaussure ou, pire, une épine dans le pied, on a du mal à marcher et on ne pense plus qu’à cela.

Lors d’une intervention en codir le préventeur, pressé de toutes parts, se focalise sur cette épine. Il lui faut assurément résoudre le problème rapidement. Toutefois, si je puis me permettre de garder la même image, sait-on bien vers où on se dirige ? le chemin à parcourir est-il clair ? tout le monde connaît-il sa contribution pour arriver au but ? a-t-on tout stoppé à cause de cette épine alors qu’un certain nombre de pas pouvaient continuer à être réalisés ?

Il convient donc de prendre le plus de hauteur possible pour resituer les enjeux, les étapes et les ambitions : d’une part, montrer là où on en est actuellement, ce qui a été réalisé, ce qui a réussi et, d’autre part, voir ce que l’épine dans le pied a d’ores et déjà provoqué, ce qu’elle va certainement provoquer encore et, surtout, proposer des solutions.

Retrouvez l'ensemble de notre actualité sur notre page LinkedIn, Graphito Prévention