Il est clair, les six derniers mois des préventeurs ne ressemblent pas aux mêmes six mois de l’année précédente !

Les sujets de prévention ont changé, le rôle des préventeurs a changé. C’est, en tout cas, ce que l’on peut constater auprès d’un très grand nombre de nos interlocuteurs au quotidien.

C’est une mobilisation sans précédent des préventeurs qui retrouvent une place et un rôle centraux. Ils font feu de tout bois pour répondre aux multiples sollicitations des directions en vue d’établir les nouveaux protocoles d’organisation, de préciser les principes de gestion des cas contacts, etc.

J’ai même croisé certains préventeurs qui avouent avoir retrouvé goût à leur métier en cette période de crise. Ainsi, bien que je reconnaisse que ceux-là m’inquiètent un peu, nous ne pouvons nier que la Covid-19 est un ouragan qui passe aussi dans les services prévention en les mobilisant de toutes parts.

 

Mais qu’en est-il des accidents du travail ?

Il a semblé, au départ, que l’accroissement de l’attention des salariés aux gestes barrières a pu générer une vigilance globale plus forte. Les salariés se sont mobilisés pour développer une plus forte envie de préserver leur santé.

Ainsi, même si ce n’est pas une généralité, dans de nombreuses entreprises, la COVID-19 a, tout d’abord, engendré une baisse des accidents du travail.

Toutefois, dans la durée, et cela depuis le mois de septembre, il semblerait que ce ne soit plus le cas et l’on voit apparaître toutes les faiblesses des systèmes de management. Alors que les autres risques n’ont évidemment pas disparu, la plupart des actions de sensibilisation, voire de formation, qui avaient été prévues ont été annulées ou reportées.

Les salariés sont hyper-sensibilisés au seul sujet de la COVID-19, véhiculé par les mêmes messages liés aux gestes barrières.

Ce qui m’interpelle, c’est de constater que même les actions managériales ont, ici ou là, disparu. C’est un signal un peu inquiétant.

Je vois beaucoup d’entreprises, de sites ou de services dans lesquels les « quarts d’heure » sécurité ou les visites sécurité ont été sacrifiés. Et les préventeurs eux-mêmes « cautionnent » ou « excusent » parfois cela.

Je profite donc de cet article pour attirer votre attention sur le fait que si tel est le cas chez vous, c’est un signal à écouter.

Vous remarquerez que les managers qui ne mettent plus en place d’actions de sensibilisation aux accidents de travail vous envoient, sans le savoir, un signal d’appel à l’aide. En effet, ces managers qui stoppent leurs actions sont, en général, ceux qui ont du mal à les rendre efficientes. Il s’agit certainement des managers qui assuraient leurs actions toujours au dernier moment, qui les réalisaient car il fallait le faire et sans y voir un grand intérêt. Ainsi, dès qu’une opportunité d’arrêter s’est présentée, ils ont « sauté sur l’occasion ». La période s’y prête ; toute la direction et les préventeurs sont beaucoup plus conciliants et la préoccupation principale est de produire à nouveau.

Mais une visite sécurité qui n’a pas lieu alors même que toute une série de nouvelles consignes arrive… vous constaterez que ce n’est pas le meilleur moment pour arrêter la prévention aux accidents du travail.

Et pourtant, tout le monde l’accepte parce qu’en fait, les visites ou les quarts d’heure sécurité, réalisés par certains managers avant l’arrivée de la COVID-19, étaient à bout de souffle en matière d’efficacité. Ainsi, la COVID-19 aidant, ils ont choisi de supprimer les actions prévention revêtant, à leurs yeux, moins d’importance.

Je vous invite à prendre en compte ce fait et analyser ce qui se passe dans votre entreprise. Les actions animées par les managers dans votre système de management sont-elles bien choisies, bien réalisées ? Par ailleurs, apportent-elles une satisfaction, un intérêt à celui qui les réalise mais également à celui qui les vit ? Celui qui les vit ou plutôt celui qui les subit ! me disent, si souvent, sous forme d’autodérision réaliste, les managers en difficulté.

Alors, que fait-on ?

Ces managers ont besoin d’aide et d’accompagnement. Je demande souvent aux managers comment ils ont été formés pour assurer les actions managériales et leur réponse est souvent qu’ils n’ont pas reçu de formation.

Ont-ils été accompagnés ? Les préventeurs vont-ils régulièrement accompagner un manager ? Non pas pour animer à sa place mais pour l’observer et débriefer ensuite, autrement dit pour assurer un coaching des actions.

Le manager a-t-il eu la visite de son supérieur ? Son chef vient-il, lui aussi, de temps en temps, pour assurer un coaching de l’animation ?

Ces deux actions, si importantes, ne sont pourtant quasiment jamais réalisées en entreprises. Je ne constate que très peu d’actions d’entraide.

Dès lors, ces arrêts d’actions sont un signal probant du fait que si certains managers, quel qu’en soit leur niveau, ont profité de la covid-19 pour stopper leurs actions de sensibilisation aux accidents de travail, ces actions doivent être observées de près. Cela est d’autant plus inquiétant que beaucoup d’entreprises voient leurs chiffres d’accidentologie grimper depuis le mois de septembre, en raison de l’ultra-centrage sur le seul risque que représente la covid-19.

Il y a de nombreuses questions à vous poser (voir encadré) pour vous assurer que votre système de prévention est pertinent et encore efficace.

Aussi, je vous encourage à imaginer des solutions qui vont permettre de relancer une dynamique de sensibilisation ouverte sur d’autres thèmes.

Même si la COVID-19 pose des contraintes d’organisation, des solutions existent dans tous les cas de figures. Si votre système ne parvient pas à toucher chacun, régulièrement, ou si vos salariés ne sont plus interpellés par le sujet de la sécurité, votre culture prévention va fortement s’abaisser. Les résultats vous le montreront dans quelques mois.

Cependant, des actions « COVID Proof » existent ! Imaginez des actions positives et participatives que les managers pourraient animer lors des briefs ou des quarts d’heure et déployez-les sur des thèmes que vous n’avez pas pu aborder depuis longtemps.

Assurez-vous, lors des visites, que vos salariés ont toujours bien en tête les risques majeurs de leur activité ainsi que ses risques récurrents.

Positionnez des actions mensuelles et replacez des thématiques régulières. N’enterrez pas vos règles d’or, vos essentiels, vos incontournables qui parlaient de tous les risques, au profit d’un sujet unique dominateur : la COVID-19. Ainsi, intégrez, peu à peu, la COVID-19 parmi les risques majeurs en prenant garde, toutefois, à ce que cela ne fasse pas au détriment des autres actions, sujets ou méthodes.

POSEZ-VOUS LES BONNES QUESTIONS

La COVID-19 a monopolisé le sujet prévention et a fait diminuer les actions managériales. En tant que préventeur ou manager, posez-vous les questions suivantes :

  • Dans ma stratégie actuelle, quelles actions managériales ont résisté à la pandémie ?
  • À quelle occasion les salariés de l’entreprise sont-ils encouragés à réfléchir aux autres risques encourus ?
  • Quelles actions, quels outils permettent de développer leur attention aux autres risques ?
  • À quelle fréquence ? À quel moment ? Combien de temps ?
  • Grâce à quel outil de management (quart d’heure, brief, visite sécurité…) ?

LA PAROLE À

 » LA PRÉVENTION N’EST PAS INNÉE « 

« Au début de la pandémie, nous avons concentré toute notre énergie à repenser notre organisation afin de respecter les préconisations sanitaires (désinfection, gestion des flux, actions pour limiter la présence simultanée des opérateurs…) et ainsi protéger et rassurer notre personnel.

Dans l’optique de poursuivre notre démarche de développement de la culture sécurité (sécurité : agissons ensemble maintenant), notre priorité a alors été de nous adapter car il était impensable de mettre cette démarche en pause au sein de notre établissement.

Je considère que la sécurité se construit au quotidien.

A l’instar d’un sportif qui, s’il ne s’entraîne pas tous les jours, va voir ses performances fortement diminuées.

Il va perdre ses réflexes, sa dextérité et son niveau va s’affaiblir rapidement.

La prévention n’est pas innée !

Au départ, elle génère souvent une contrainte et si, quelle qu’en soit la raison, on lui laisse moins de place, on risque fortement de voir la culture sécurité s’affaiblir. 

Certes, la COVID-19 représente un risque qu’il ne faut pas négliger mais il ne faut pas, pour autant, oublier qu’il y a, en entreprise, des risques encore plus grands.

Notre métier est de prévenir tous les risques.

Nous avons donc mis en œuvre toutes les dispositions pour limiter la pandémie tout en apprenant à vivre avec le virus, d’autant que la sortie de cette crise sanitaire, comme nous pouvons le constater aujourd’hui, est très incertaine. »

Richard BALLANDRAS
Tredi Groupe Séché

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