Il est clair que toute politique prévention structurée doit permettre d’identifier les problèmes les plus infimes. L’analyse des causes montre combien les détails comptent dans l’accidentologie.
Afin d’améliorer la sécurité des collaborateurs, il faut agir le plus en amont possible, en détectant, analysant et traitant les situations de presque-accidents ainsi que les anomalies.
Depuis des années, l’accompagnement de très nombreuses entreprises montre que la mise en place d’un système de remontées d’anomalies n’est pas toujours synonyme de réussite en matière de prévention.
Voici quelques points d’attention à retenir :
Les anomalies détectées et remontées ne représentent en général que 50% de la base de la pyramide des risques.
La base de la pyramide des accidents est composée des situations dangereuses et des actes dangereux.
Or, dans une très grande majorité des cas, l’analyse des anomalies remontées sur les fiches des salariés montre des propositions d’améliorations en lien avec des situations dangereuses, c’est-à-dire des éléments ayant trait à l’environnement ou aux problèmes de matériel.
Il y n’a que très peu d’éléments en lien avec l’organisation et le facteur humain. Les salariés ne font quasiment jamais remonter des actes dangereux ; cela concerne généralement moins de 2% des remontées.
La baisse des anomalies ne supprime pas pour autant le risque de l’accident mortel.
Attention à cette information qui circule chez de nombreux consultants ! Ils annoncent qu’en supprimant des anomalies, au bout d’un moment, le risque majeur disparaît.
Malheureusement non ! Certes, la pyramide s’affine, il y a moins d’anomalies, la base est moins large mais le risque majeur reste présent avec, toutefois, moins de probabilité de se produire.
Démotivation et surcharge de travail sans forcément obtenir des résultats sur l’accidentologie.
Le problème, c’est que ces fameuses remontées liées au matériel et à l’environnement sont les remontées qui demandent d’investir du temps et de l’argent pour les traiter, les solder.
Les services techniques et les préventeurs sont souvent débordés sans que les résultats en termes d’accidents évoluent.
Dans la mesure où le facteur à l’origine de la plupart des accidents est le facteur humain, demandez-vous s’il est vraiment judicieux de vous occuper en priorité du traitement des remontées puisque ce traitement n’aura qu’une faible influence sur l’accidentologie.
Avec ce type de stratégie, certaines entreprises s’épuisent, s’investissent à fond mais n’obtiennent aucun résultat.
Pour éviter ce type de piège, n’oubliez pas, notamment :
- de hiérarchiser le traitement des anomalies ;
- de communiquer systématiquement les anomalies traitées et ce, de façon variée, en fonction du type d’anomalie (individu – équipe – entreprise).
Une stratégie qui peut être dévastatrice auprès du personnel.
Il y a quelque temps, j’étais sur un site industriel en train de réaliser une observation du système de management. Au cours de la journée, j’ai questionné sur toutes sortes de points en prévention et, à chaque fois, on m’a répondu, au sujet des remontées d’anomalies :
« C’est pas la peine de faire remonter, ils ne traitent pas. »
J’ai ensuite demandé le suivi de ce site en termes de remontées : le service prévention avait récolté 1250 anomalies et en avait traité 1150 lors de cette même période ! Une véritable prouesse. Mais les managers et les salariés ne voyaient que les 100 qui n’avaient pas été traitées.
L’image du service prévention se voit dégradée alors que ce service s’investit énormément.
Il est primordial de communiquer au sujet des traitements et de valoriser ceux qui ont apporté leurs remontées car, grâce à eux, des améliorations sont apportées pour tous.
Éviter les incompréhensions.
Lors des entretiens dans une entreprise, nous constatons qu’il y a beaucoup d’incompréhension concernant cette approche.
Pourquoi remplir une fiche concernant un problème qui peut être traité immédiatement ?
Encore des papiers pour des choses simples !
Pourquoi avoir des objectifs sur les remontées d’anomalies, c’est ridicule !
Certains font remonter n’importe quoi !
N’oubliez pas de clarifier le principe des remontées d’anomalies régulièrement, de vous assurer que ce principe est compris.
Ne pas considérer toutes les anomalies de façon identique.
C’est l’un des pièges que doivent éviter ceux qui traitent les anomalies et ceux qui les détectent.
N’oubliez pas un élément essentiel des principes de remontées d’anomalies. Elles n’ont pas toutes le même potentiel. En effet, certaines anomalies pourraient, en un instant, en une fraction de seconde, se transformer en accident dramatique.
L’un des atouts majeurs de ces principes consiste à identifier de petits risques, les traiter en priorité et développer une attention plus forte face à ce type de situation car ils pourraient avoir des conséquences majeures.
Je constate que dans beaucoup de sites, on ne se pose pas beaucoup la question de la gravité potentielle de chacune des anomalies. Le traitement des anomalies n’est pas toujours réalisé en fonction de leur gravité ni du ratio gravité/délai/coût mais plus par opportunité, par disponibilité, ou, tout simplement, de façon chronologique.
Lors du lancement des remontées des anomalies et même ensuite, il est important de suivre les remontées et leur traitement pour hiérarchiser les priorités.
Communiquez également sur les priorités choisies.
Conclusion sur les remontées d’anomalies
L’atout principal des mécanismes de remontées d’anomalies est :
- être capable d’identifier et de traiter les anomalies à haut potentiel ;
- développer une culture de l’attention car la prévention se renforce plus grâce à l’attention de celui qui détecte que par le traitement des remontées ;
- prendre la mesure du fait que ceux qui détectent des anomalies ont 30% d’accidents en moins que ceux qui ne les détectent pas ;
- se rappeler que la communication autour du traitement est aussi importante que le traitement en lui-même ;
- le traitement des anomalies ne peut être qu’un des éléments d’une stratégie plus globale ; l’action des salariés et des managers ne doit pas se limiter à ces actions.
FAUT-IL DONNER UN OBJECTIF AUX REMONTÉES D’ANOMALIES?
C’est une question récurrente. En général, elle est suivie de : faut-il un objectif global, par service, par manager ou par personne ?
Avant de répondre, voici quelques principes de base.Lors d’un lancement de remontées d’anomalies, s’il n’y a pas d’objectif, le nombre des remontées après six mois est généralement très faible. Il y en a un peu au moment du lancement puis cela s’essouffle vite.
Si vous mettez des objectifs, on vous dira : c’est idiot ! On ne va pas déclarer des problèmes alors qu’il est plus rapide de les solder sans faire de remontées. Je me doute que vous avez déjà entendu cela des dizaines de fois.Alors, comment réagir ?
L’un des éléments importants à connaître concernant les remontées d’anomalies est le suivant.
Ce qui est à retenir, c’est que ceux qui détectent et déclarent des anomalies sont plus attentifs que les autres. Ce type de personnes a, en général, 30% d’accidents en moins que la moyenne. Nous vous conseillons donc d’utiliser cette statistique pour que chaque salarié propose au moins une remontée d’anomalie au cours de l’année de lancement.Toutefois, l’idéal sera, à terme, de ne pas avoir d’objectif et que les salariés remontent en moyenne une anomalie par an de façon spontanée, sans obligation mais avec l’encouragement de leur manager.