Nous constatons régulièrement les difficultés des managers à réagir efficacement en cas d’écart. Les préventeurs se doivent d’analyser la situation afin de conseiller au mieux leurs managers dans leur démarche prévention.

En premier lieu, le préventeur doit s’assurer que les règles sont clairement établies et comprises par tous, du manager à l’ensemble du personnel. Si les règles ne sont pas bien définies, il sera impossible au manager d’identifier les écarts commis. Pour cela, le préventeur peut rappeler l’importance de la fiche de poste qui précise les risques et les mesures de prévention relatifs à un poste de travail donné.

En second lieu, le préventeur peut inviter le manager à lister tous les points d’écarts rencontrés au cours d’une journée, d’une semaine, par exemple. Le préventeur examine ensuite si le manager est intervenu ou pas face aux écarts relevés ou s’il est intervenu uniquement en cas de risque de grave accident.

Première réaction constatée : le manager n’intervient pas en cas d’écart.

Dans un grand nombre de cas, bien trop fréquent, nous avons relevé que les managers n’interviennent pas malgré un écart avéré. Nous conseillons au préventeur de rechercher d’abord si l’écart est généralisé ou individuel.

  • Cas d’écart généralisé

Dans le cas où l’écart est généralisé, nous constatons souvent que le manager n’agit pas car il craint une mauvaise réaction du salarié. Ce dernier pourrait se demander pourquoi il est particulièrement visé alors qu’il s’agit d’une pratique généralement en cours dans l’entreprise. Ainsi, le préventeur doit commencer par informer toute l’équipe voire toute l’entreprise qu’à partir de telle date, telle règle doit absolument être respectée. Il convient de communiquer clairement sur les bonnes pratiques à adopter. Les règles sont mieux appliquées si les individus sont bien informés. Ensuite, seulement, l’intervention face aux écarts est possible.

  • Cas d’écart individuel

Quelquefois, seul un salarié ne met pas en place la mesure de prévention alors que les autres le font. Or, le préventeur constate que, même dans un tel cas, le manager ne réagit pas non plus. Il se trouve face à un manager qui argue du fait qu’il n’en a pas le temps. Le préventeur se doit de lui rappeler que la production ne saurait être prépondérante par rapport à la sécurité. Par ailleurs, s’occuper d’un salarié blessé requiert également du temps : suivi de son accident, remplacement, etc.

Deuxième réaction constatée : le manager intervient en cas d’écart.

Fort heureusement, nous relevons des situations où le manager intervient lorsque le salarié a une mauvaise pratique. Cependant, dans 98% des cas, le manager a tendance à vouloir convaincre le salarié de changer sa façon de faire pour qu’elle soit différente et meilleure en termes de sécurité. Il utilise des arguments pour le faire changer d’avis en s’appuyant sur la réglementation, son savoir-faire, les expériences d’accidents. Autrement dit, il ne fait référence qu’à des rappels (de règles, d’informations, d’éléments de bon sens, etc.). Le préventeur doit avoir en tête que dans la plupart des cas, le salarié sait parfaitement ce qu’il aurait dû faire. Face à l’interpellation de son manager, le salarié a trois réactions possibles.

  • Première réaction du salarié

Dans certains cas, assez peu fréquents, le salarié va valider l’intervention de son manager : « Effectivement, j’étais en écart. Merci de me le rappeler. » Et le salarié va immédiatement corriger sa pratique.

  • Deuxième réaction du salarié

Dans d’autres cas, le salarié entend l’information transmise par son manager mais il a tendance à l’ignorer et à la rejeter car on lui rappelle des règles déjà connues. Il corrige éventuellement sa mauvaise pratique mais la bonne pratique ne va pas s’ancrer dans sa tête. Au bout d’un certain temps, il va commettre à nouveau le même écart.

  • Troisième réaction du salarié 

Enfin, dernier cas, le salarié s’oppose. Il essaie de prouver que c’est lui qui a raison et pas son manager. Il avance le fait que cette pratique est courante dans l’entreprise et qu’elle n’a généré aucun accident jusqu’à ce jour. Il est important de ne pas laisser le salarié dans cette voie-là. S’il commence à adresser des objections, il va établir puis s’ancrer dans son opposition.

Comment conseiller les managers à réagir efficacement en cas d’écart

Intervenir face à une mauvaise pratique est essentiel en prévention sécurité. Le préventeur doit accompagner le manager pour qu’il fasse preuve de « courage managérial ». Il n’est, en effet, pas aisé d’intervenir face à des salariés récalcitrants. Pour autant, il convient de réagir ; à défaut, les salariés pourraient croire que leur manager cautionne leur mauvaise pratique.

Certes, cela requiert un peu de temps mais la sécurité est une priorité. Nous conseillons au préventeur de  transmettre à l’ensemble du personnel qu’il lui est primordial que chacun rentre à sa maison en bonne santé. Par exemple, le préventeur peut rappeler qu’il ne faut pas aller au plus vite mais au plus sûr, que la valeur de l’individu est plus importante à ses yeux qu’une production de qualité et dans les délais. De toute façon, les salariés travaillant avec un bon niveau de prévention travaillent également avec un bon niveau de qualité et de productivité.

Nous attirons l’attention des préventeurs sur le fait qu’un rappel de règles sans prise de recul peut bloquer la réaction des salariés. Il convient de les faire participer, de les interroger, de leur demander d’émettre des propositions en leur demandant notamment ce qui, selon eux, pourrait permettre d’être plus en sécurité. En les mettant à contribution, les salariés progressent rapidement en prévention car ils ont réfléchi au problème soulevé. Grâce à une approche collaborative où les salariés proposent non plus des objections mais des solutions, la communication prévention est beaucoup plus efficace.

AVIS D’EXPERT

«SOUVENT LES MANAGERS 
PASSENT À CÔTÉ, 
NE RÉAGISSENT PAS À UN ÉCART. 
ET N'Y APPORTENT PAS DE RÉPONSE.»

Fabrice REBOULLET, expert en stratégie prévention et directeur de Graphito Prévention

Fabrice Reboullet, expert en stratégie prévention et directeur de graphito prévention« Quand je fais des conférences auprès des managers et que je leur demande quelle est leur réaction face à un écart, les managers répondent souvent, de manière ironique : « On se taille ! On s’en va. On ne réagit pas. » Pourquoi  répondent-ils cela, souvent avec un sourire en coin ? Cette réponse leur vient parce qu’effectivement, dans un certain nombre de cas, il n’y a pas de réaction de leur part. Il leur arrive de passer à côté de l’écart et de ne pas réagir.

Alors, je les interroge : « Pourquoi ne réagissez-vous pas ? ». Peut-être ne réagissent-ils  pas parce que l’écart qu’ils viennent de constater n’est pas seulement un écart du salarié mais, en fait, un écart généralisé à l’ensemble de l’équipe voire à l’ensemble de l’entreprise. Dans cette hypothèse, comment réagir ? Dans cet article, je vous livre quelques clés qui, selon moi, pourront vous aider, en tant que préventeurs, à guider vos managers dans la manière de réagir le plus efficacement possible auprès des salariés. »

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