Les dirigeants se réunissent régulièrement au cours d’une « revue de direction ». Bien entendu, ils prévoient d’aborder le sujet de la sécurité et les préventeurs s’en réjouissent d’avance. Mais parfois, ces derniers déchantent quand ils s’aperçoivent qu’en fait, le thème de la sécurité est traité en moins de cinq minutes, en n’énonçant que les taux de fréquence et de gravité ou pour parler d’un accident qui vient de se produire.
Lorsque nous réalisons des diagnostics de culture sécurité, nous observons toutes les actions prévention de l’entreprise, y compris la revue de direction. Or, nous constatons que dans la plupart des cas et ce, malgré notre présence prévue, la sécurité ne suscite pas un intérêt débordant tandis que la production ou le process provoquent plus d’échanges. Selon les dirigeants, la sécurité les intéresse vraiment mais c’est le sujet par lui-même qui est souvent inintéressant. Toutefois, de nombreux préventeurs se réjouissent d’avoir une direction impliquée. Alors, je leur demande : « Comment évaluez-vous l’implication de votre direction ? ». Ce à quoi le préventeur répond généralement : « Les dirigeants en parlent en comité de direction ». Effectivement, c’est déjà très bien mais comment réussir une revue de direction prévention efficace ?
Une revue de direction efficace est un élément essentiel dans le bon déploiement d’une culture prévention. Bien menée, la revue de direction peut permettre de mobiliser durablement les dirigeants qui ne se contenteront plus de suivre uniquement l’accidentologie.
Quelques conseils pour mener à bien une revue de direction prévention
L’objectif est de permettre un pilotage efficace de la prévention tout en intéressant et en faisant grandir les dirigeants sur ce sujet.
Utiliser des critères quantitatifs,
comme le taux de fréquence et de gravité, est indispensable mais insuffisant. En effet, les critères de résultats ne nous renseignent que sur ce qui s’est produit et donc majoritairement sur ce qui n’est pas le plus grave. Pensez, a minima, à ne pas vous limiter au TF et TG en complétant, par exemple, par le nombre de remontées d’anomalies ou d’actes dangereux, le nombre de remontées de presque-accidents, le nombre de PV sur la route, le nombre d’accrochages de véhicules, etc. Il va de soi que vous choisirez, pour chaque catégorie, les critères les plus pertinents afin de ne pas assommer votre comité de direction de chiffres ou d’informations.
Suivre les critères d’actions
: combien de ¼ d’heure sécurité ont été réalisés ? Combien de visites sécurité, en particulier celles accomplies par les membres du comité de direction eu égard aux engagements qu’ils ont pris, ont-elles eu lieu ? Il est clair que si les membres du CODIR ne réalisent pas leurs actions, alors, bien souvent, toute la ligne managériale se permettra de ne pas les réaliser non plus.
Parmi les autres critères d’actions qui peuvent être suivis, on peut noter : nombre d’accueils sécurité / nombre de nouveaux entrants ; nombre d’analyses d’accidents du travail / nombre d’accidents ; nombre de remontées d’anomalies ou d’actes dangereux ; nombre de remontées de presque-accidents etc.
Viennent ensuite les critères de fond.
Les critères de fond sont des sujets de prévention prioritaires sur lesquels l’entreprise a décidé d’agir ou l’évocation de l’actualité prévention : accident, contrôle… Quelques exemples de sujets de fond : l’éradication de tel ou tel type de risques avec un plan d’actions défini, le déploiement d’une formation, la reprise de l’ensemble des fiches de postes, l’analyse ergonomique des postes, un diagnostic de pénibilité ou RPS, etc. Sur ces sujets, vous pourrez communiquer sur le niveau d’avancement ou les difficultés en lien avec l’objectif fixé.
Prenons un cas concret : le comité de direction a souhaité former l’ensemble des managers au ¼ d’heure sécurité participatif. Vous leur donnez une information claire sur le suivi des déploiements. Donnez également quelques retours, les avis de managers ayant reçu cette formation.
Concernant un accident, il sera enrichissant de demander au manager, responsable du salarié qui a eu cet accident du travail, de présenter la situation et d’inciter les autres managers à lui poser des questions. Autrement dit, invitez le manager à parler, expliquer, détailler l’accident du travail survenu. Vous développez ainsi son appropriation du sujet.
Les critères qualitatifs de la revue de direction.
Dans de nombreuses entreprises, c’est la course à la quantité d’actions. On réalise tellement d’actions qu’elles finissent par perdre leur sens et leur efficacité. D’ailleurs, vous en verrez les signaux, comme le fait que les actions managériales sont réalisées dans l’urgence, en fin de période, pour atteindre les objectifs fixés.
Suivre la qualité des actions est indispensable. Voici plusieurs moyens pour savoir si une action managériale est efficiente :
- Demandez à vos managers s’ils estiment que telle ou telle action est utile. S’ils expriment que « les ¼ d’heure sécurité ne servent pas à grand-chose » ou que « la sécurité, ça se passe sur le terrain », alors il est certain que la qualité de cette action ne doit pas être très bonne.
- Demandez-leur, ensuite, individuellement, de décrire comment ils réalisent telle ou telle action. Si les méthodes utilisées varient beaucoup entre les managers, cela signifie que la qualité de leurs actions est, très variable.
- Enfin, la meilleure façon de suivre la qualité des actions est d’aller les observer sur place. Il est indispensable que les préventeurs aillent régulièrement observer les actions des managers. Je vous conseille, par exemple, d’aller voir comment se déroule un ¼ d’heure sécurité. Attention ! Je dis bien observer, pas animer à la place du manager : observer sa méthode, la durée de son intervention, la participation des salariés, sa capacité à faire réfléchir et à engager l’équipe à un changement, etc.
De même, pour les visites sécurité, je vous propose d’observer puis de coacher les managers. Cela implique, bien entendu, que vous sachiez vous-mêmes réaliser des visites impactantes afin d’accompagner efficacement les managers.
Au cours de ces observations, vous détecterez les bonnes pratiques et pourrez les encourager. Vous pourrez resituer la méthode, le standard et accompagner chaque niveau de management à réaliser des actions pertinentes et efficaces.
Grace à ces coachings et ces visites, vous recueillerez les éléments qualitatifs des actions menées et pourrez débriefer au comité de direction sur le niveau de qualité des actions observées. Vous pourrez notamment l’alerter sur les dérives éventuelles, comme le fait que le temps de parole du visité est très faible lors du débriefing.
Il va de soi que vous ne pouvez pas assurer, seul, le coaching de l’ensemble des managers et ce n’est pas votre but. Il existe, pour ce faire, des mécanismes d’entraide et de coaching entre managers mais ce n’est pas le sujet du présent article.
Pour conclure, rappelez-vous qu’une revue de direction sécurité se compose d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs ainsi que d’indicateurs d’actions et de fond. Intégrée à la revue générale de direction, elle peut durer de 15 à 30 minutes. Et n’oubliez pas qu’une revue générale prévention est nécessaire une à deux fois par an, pour arbitrer les plans d’actions détaillés.
Exemples de critères :
- Quantitatifs :
- Taux de fréquence /Taux de gravité
- Nombre de remontées d’anomalies
- Nombre d’actes dangereux
- Nombre de presque-accidents
- Nombre de points et de PV routiers
- Nombre d’accrochages routiers…
- Qualitatifs :
- Identification des points forts et des dérives lors d’observations d’actions managériales – plusieurs accompagnements mensuels sont nécessaires.
- Moment de réalisation des actions sur la période
- Retours : type d’engagements sur les ¼ d’heure, retours sur les visites (éléments matériels uniquement ou visites ayant RAS comme résultat) …
- D’actions :
- Nombre de ¼ d’heure / objectifs
- Visite /objectifs
- Accueil / nouveaux entrants
- Analyse d’AT/ nombre d’AT
- Analyse de presque AT/ presque AT remontés…
- De fond :
- Description par le manager de l’accident
- Sujets choisis en prévention : revue des fiches de poste, action ergonomique…
- Déploiement d’une formation
- Sensibilité d’une formation
- Retour d’un coaching par un consultant…